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Le Propos avec les Oiseaux
MOI
Je suis gai ; le beau temps me plaît comme un cadeau.
Depuis que mars venteux a gonflé mon rideau,
Depuis avril, fier mois où l'azur se révolte,
J'ai fait de l'encrier sortir une récolte.
Je travaille, travaille avec un coeur grondant,
Et j'ai rendu l'été dans mes vers évident.
Le ciel souffle sur nous un orage d'abeille.
Laure en mêlant ses doigts fait comme des corbeilles,
Près de moi qui, chargé de jour et d'arbres verts,
Connais l'instant de pourpre où naissent les beaux vers.
LES OISEAUX
Silence : écoute-nous : il faut que tu le veuille,
Car l'arbre a des oiseaux presque autant que de feuilles,
Et nous le remplissons comme un soyeux guêpier ;
Ton travail maladroit écorche le papier.
Nous, nous retentissons sans fin, roi de l'oreille,
Lorsque, cachant déjà ses raisin, chaque treille
Semble un ami charmant honteux de ses présents.
Nous enivrons un peu ces braves paysans.
Plus que le tien, notre art est savant et rustique ;
Nous chantons. Comme un roi qui se fait domestique,
Vois, le mois de juillet sur ton seuil vient s'offrir,
Et l'humeur du charbon lui-même est de fleurir ;
Le ciel...
MOI
Mais tout cela, c'est dans mes vers. Poète,
Je m'occupe du temps comme une girouette,
Et mon art n'est pas gauche et ne manque que peu
A recréer les fleurs, la terre et le ciel bleu.
Je jette, en travaillant à mes table fidèles,
Les vers sur le papier comme un vol d'hirondelles;
Ma fatigue elle-même est douce comme un fruit;
Je revois le soleil lorsque j'écris la nuit;
Je suis content ; je peux me couronner moi-même.
LES OISEAUX
Pour un reflet du temps qui brille à son poème,
Le voilà vain ; il croit savoir l'été ; sait-il
Quelle couleur de fleur eut le matin subtil ?
A-t-il piqué ses yeux dans chaque fourmilière ?
Sait-il même quel vent souffle, et gonfle le lierre,
Et passe dans nos vol comme dans un tamis ?
MOI
Mais oui, c'est le vent d'Est ; il est de mes amis.
Il me parle ; il m'a fait le serment, sur la route,
Qu'il vivrait avec nous, qu'il suffit qu'on l'écoute,
Qu'on le tiendra captif ainsi qu'un hanneton,
Qu'ayant ouvert la rose, il soigne le bouton,
Qu'il veut ne plus courir du tout, prendre racine;
Qu'il se trouve amoureux de ma chaste glycine,
Et que, comme il n'a pas de fin dans ses amours,
Il demeure, et qu'ainsi c'est l'été pour toujours.
LES OISEAUX
C'est vrai. Tout est garni d'azur. Dans la verdure
L'été s'est installé pour un séjour qui dure ;
La nuit est aplatie entre l'aube et le soir ;
A peine si minuit est gros comme un point noir.
La lumière emplit tout comme une eau dans un verre ;
Après s'être appuyé sur chaque coin de la terre,
Quand il doit nous quitter même, à la fin du jour,
Le soleil tend le bras pour jurer son retour.
MOI
C'est bien ce que je dis. Pour voir toute la fête
Ne dormons plus ; le ciel me tombe dans la tête.
Chaque soir le soleil riche, au bout du chemin,
Fait reluire tout l'or qu'il répandra demain.
Nous rions ; nous avons tout l'azur souhaitable ;
Les jardins bout à bout sont longs comme une table,
Où le festin des fruits rougit et nous attend ;
Il faudrait se forcer pour n'être pas content.
LES OISEAUX
Le vent dit qu'il fera toujours beau ; qu'on le croie.
Nous soulageons la terre en exprimant la joie ;
Le ruisseau nous répète en bas ; nous couronnons
L'instant qui naît ; l'été par nous a mille noms.
Le jour dans notre bain conserve sa jeunesse ;
Nous regardons le monde immense avec finesse.
Nous chantons. Pleins de crainte et de rayonnements,
Les amoureux muets nous ont pour truchements.
Le jour parle par nous ainsi que par des lèvres ;
Nous semblons au labeur d'invisibles orfèvres.
Grâce à nous, de l'aurore au soir horizontal,
Les chevaux du soleil ont des fers de cristal.
Nous sommes les oiseaux pareils à de l'eau fraîche.
A midi, le silence de notre bec s'ébrèche ;
La terre fait fleurir tout ce qu'on peut planter,
L'homme pour tout travail n'a qu'à nous écouter.
Depuis l'aube, tandis que grandit la lumière,
Nous sommes une source élargie en rivière.
Dans le sincère été nous sommes éloquents.
Chaque haie a nos chants ainsi que ses piquants.
Nous sommes dispersés partout comme des graines.
Nous soulignons l'été dans les branches sereines,
Et l'arbre, s'admirant d'être plein de nos bruits,
Veut ménager ses nids plus encor que ses fruits.
L'écho n'a pas d'esprit ; sur ses flûtes inertes,
Il dort, ayant le cris des rustres pour alertes,
Et dans l'herbe, restant pâle à nous envier,
C'est l'esclave plaintif des chansons du bouvier;
Nous, au creux des buissons, sous la toison des orges,
Nous avons un grand art dans nos petites gorges ;
Quand nous ouvrons le bec ce n'est pas pour manger.
Notre musique agreste enchante le berger,
Mais c'est à nous surtout que nous versons l'extase ;
Nos chants sortent du ciel comme les fleurs d'un vase.
MOI
Maintenant j'aime moins mes vers.
LES OISEAUX
Et nous volons.
Pour aller sautiller sur la mare, aux vallons,
Pour joindre en un moment le clocher de l'église,
L'aile s'ouvre, pareille au voeu qu'on réalise,
Et même en traversant l'enclos, le moindre vol
Tient en lui l'Algérie et le ciel espagnol ;
Le plus petit de nous revient de la Sicile.
Nous sommes les oiseaux pour qui tout est facile,
Et c'est nous qui chantons sans peine ; et sans fardeau
Nous voyageons, ayant tout l'azur pour radeau,
Et nous sommes les seuls qui s'élèvent sans lutte ;
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