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Chez lui, au milieu des jades, des laques chinoises, des objets précieux
d’Extrême-Orient, il semble revenir de quelque lointain voyage, d’où il
n’aurait rapporté que les images les plus propres à enchanter notre coeur.
Avec la finesse de trait, la finesse de pinceau des plus purs miniatures
de l’Asie, il nous révèle d’un mot, si nous l’écoutons, le marché, la
boutique, le fleuve, le jardin, où nous ne sommes jamais allés, et qui
nous deviennent soudain aussi proches que nos souvenirs personnels. Les
murailles des palais d’été de Pékin, lorsqu’il en parle, représentent pour
lui une sorte d’asile miraculeux, de l’autre côté de la terre, où il
voudrait retrouver les trésors enchantés et les songes. Son visage
méditerranéen, sous les cheveux fins, s’anime d’un sourire un peu
nostalgique. Mais déjà Abel Bonnard est revenu parmi nous. |
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- PAUL MORAND - Durant l’été 1923, Abel Bonnard retrouve Venise et Paul Morand. Les deux écrivains embarquent. Morand s’en souviendra, sept ans plus tard, dans les Annales. « Si j’avais à choisir un compagnon de voyage, ce serait certainement Abel Bonnard. Personne ne se met en route avec plus de liberté d’esprit, d’intelligence sensible, de savoir caché et de bonne humeur. Aussitôt loin de Paris, Bonnard est un homme qui ne trouve plus que de l’agrément à vivre. Un retard, un contretemps l’enchantent. Je l’ai connu sur le voyage, comme disent les commis voyageurs. Nous avons navigué jadis ensemble pendant un mois, à bord d’un deux cent cinquante tonneaux; sans nous être choisis, nous avons visité la Dalmatie, la Grèce, et ensemble, nous avons été, non pas prisonniers, mais touristes, chez le Turc. Ensemble nous avons été cambriolés pendant notre sommeil, à bord, au beau milieu du Bosphore ; enfin, je me rappelle avoir fait à Bonnard des adieux à Brousse, devant la Mosquée verte, par un de ces beaux soirs d’été qui ne s’oublient pas. C’est donc en connaissance de cause que je puis dire confiez-vous à ce guide sûr ». |
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- ARNO BREKER -
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Arno Breker et Abel Bonnard, à l'Orangerie, Paris, en mai 1942 |
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- LE VRAI VISAGE D'ABEL BONNARD - A propos de la réédition des Modérés
par
Une idée traverse la vie et l’oeuvre d’Abel Bonnard : c’est
que la vie est un drame. Une tragédie grecque. On ne peut saisir
complètement, pleinement les Modérés, si l’on fait abstraction du
sous-titre «Le Drame du présent». Bonnard, fervent lecteur de
Schopenhauer, est à ranger parmi les grands pessimistes. Mais au tragique
se mêle toujours le dérisoire : le monde de la politique, sous la plume de
l’écrivain, est dépeint comme une farce terrible. * * *
C’est ici une synthèse historique complète où Bonnard, à
travers tout le XIXe siècle, étudie la nature et le rôle joué (ou pas
joué) par le modéré. Avec pertinence, il remonte jusqu’aux sources —
c’est-à-dire 1789 — de l’impuissance collective presque toujours
manifestée par la droite parlementaire. Depuis les philosophes des
Lumières jusqu’à Gide (qu’il avait coutume d’appeler «le vieux Voltaire de
la pédérastie») en passant par les romantiques, il dénonce les
responsables de la faillite intellectuelle et morale de la France. |
- Alain Aelberts & Jean-Jacques Auquier - (Note préliminaire à Ce monde et moi) |
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C’est en la compagnie d’Abel Bonnard — nommé
par Céline «de la famille des grands esprits» — que Luc Gendrillon aura
connu ses derniers moments de délectation intellectuelle. Une maladie
funeste nous l’enlevait à l’âge de quarante ans alors que Ce monde et moi
n’en était qu’aux premières épreuves d’imprimerie. |